LA BREGGIA-UNE FOIS SEULEMENT.

 UNE FOIS SEULEMENT

ANNE HÉBERT

POÈMES NOUVEAUX  1987-1989.

C’était en des temps si obscurs
Que nulle mémoire profane n’en garde trace

Bien avant les images et les couleurs
La source du chant s’imaginait
À bouche fermée
Comme une chimère captive

Le silence était plein d’ombres rousses
Le sang de la terre coulait en abondance
Les pivoines blanches et les nouveau-nés
S’y abreuvaient sans cesse
Dans un foisonnement de naissances régulières

L’oiseau noir dans son vol premier
Effleura ma joue de si près
Que je perçus trois notes pures
Avant même qu’elles soient au monde

Une fois, une fois seulement,
Quelque chose comme l’amour
À sa plus haute tour
Que se nomme et s’identifie

Le secret originel
Contre l’oreille absolue révélé
Dans un souffle d’eau
Candeur déchirante
Fraîcheur verte et bleue

Une fois, une fois seulement,
Ce prodige sur ma face attentive
Ceci, quoique improbable, je le jure,
Sera plus lent à revenir
Que la comète dans sa traîne de feu.

 

Breggia 11.a

 

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