UN BRUIT DE SOIE.
ANNE HÉBERT
LE TOMBEAU DES ROIS.
Un bruit de soie plus lisse que le vent
Passage de la lumière sur un paysage d’eau.
L’éclat de midi efface ta forme devant moi
Tu trembles et luis comme un miroir
Tu m’offres le soleil à boire
À même ton visage absent.
Trop de lumière empêche de voir ;
l’un et l’autre torche blanche,
grand vide de midi
Se chercher à travers le feu et l’eau fumée.
Les espèces du monde sont réduites à deux
Ni bêtes ni fleurs ni nuages.
Sous les cils une lueur de braise chante à tue-tête.
Nos bras étendus nous précèdent de deux pas
Serviteurs avides et étonnés
En cette dense forêt de la chaleur déployée.
Lente traversée.
Aveugle je reconnais sous mon ongle
la pure colonne de ton coeur dressé
Sa douceur que j’invente pour dormir
Je l’imagine si juste que je défaille.
Mes mains écartent le jour comme un rideau
L’ombre d’un seul arbre étale la nuit à nos pieds
Et découvre cette calme immobile distance
Entre tes doigts de sable et mes paumes toutes fleuries.